Tout ne va pas si mal pour les entreprises Disney. Quelques semaines après avoir annoncé un plan de départ massif de 28 000 employés dans la division des parcs d’attractions, l’empire culturel déploie une batterie de numéros plus optimistes dans l’habituel bilan trimestriel des pertes et profits. Au chapitre des bonnes nouvelles, la plateforme de vidéo-à-la-demande Disney+ aurait amassé un ensemble de 73,7 millions d’abonnés depuis son lancement, en novembre dernier, aux Etats-Unis.

Une franche réussite dont le succès se mesure probablement plus à l’aune du confinement des populations pendant la pandémie qu’à la chaîne de production des exclusivités (beaucoup de programmes auront été remis à plus tard suite à l’arrêt des tournages, à l’instar de WandaVision ou The Falcon & the Winter Soldier attendus au départ pour cette année). En dehors de la comédie musicale Hamilton et du plan de sauvetage de Mulan, la plateforme reste pour l’heure assez pauvre en programmes inédits, au regard de certains concurrents sur le marché de la vidéo-à-la-demande, mais l’aura des propriétés Disney suffit apparemment à alimenter le parc de consommateurs fidèles. De son côté, Hulu, plateforme plus fournie et installée depuis 2008 sur le marché, totaliserait 36,6 millions d’abonnés. A noter que cet autre service de streaming intégré au groupe se cantonne très majoritairement aux Etats-Unis. En parallèle, Netflix culmine pour le moment à 195 millions d’abonnés, avec l’avantage d’être partis les premiers.

Disney+ selon l’oncle Picsou

Le président des entreprises DisneyBob Chapek, s’est félicité de ce succès inattendu au moment de présenter ce bilan trimestriel à la presse, jeudi dernier. Une bonne nouvelle pour le groupe après quelques mois de vache maigre, dans la foulée d’une crise sanitaire qui frappe durement les secteurs des parcs d’attraction, croisières touristiques et salles de cinéma, pièces maîtresses de l’activité et de l’image publique de cette entreprise multi-spécialiste dans la culture et les loisirs.

Sur le sujet des audiences du film Mulan, proposé en vidéo-à-la-demande avec surcoût aux Etats-Unis pour tenter d’éponger les pertes des entrées en salles, Chapek reste toutefois aussi flou que possible. Le président du groupe assure que l’expérience a été vécue en interne comme une franche réussite, et que d’autres initiatives du même genre devraient avoir lieu d’ici les années à venir – une réponse à mot couvert sur la question de la rentabilité des studios de Disney, au moment où la compagnie compte se réorienter massivement vers le loisir domestique. Pour rappel, Mulan avait été mis à disposition des abonnés à la plateforme Disney+ contre une somme supplémentaire de 30 dollars, une première dans le rapport de force entre consommateurs et distributeurs de contenu qui n’avait pas été du goût de tout le monde au moment de l’annonce de cet étrange plan de sortie. En Europe, l’entreprise s’était même empressée d’annoncer une disponibilité sans surcoût plus tard dans l’année, pour échapper aux critiques.

Selon la rédaction de Deadline, qui signait une tribune sur le sujet de Mulan en VOD « payante » récemment, la plupart des observateurs spécialisés du marché du cinéma aux Etats-Unis assurent que l’expérience n’a pas porté ses fruits. Un constat également vérifié par l’agrégateur d’audiences numériques Nielsen, qui compare le succès de Mulan à celui de petits succès sur la plateforme Netflix (inférieur à Cobra Kai, Tyler Rake ou The Old Guard, à titre de comparaison). Il se peut que Chapek tienne à garder la face devant une opération de racket des consommateurs tentée en catastrophe au sortir d’un été particulièrement lourd à gérer pour les pontes de Disney, mais le président promet tout de même qu’il développera les plans de Disney+ au prochain sommet actionnarial du 10 décembre prochain.

En comparaison, le prochain film des studios PixarSoul, sera proposé sans surcoût dès le 25 décembre prochain sur la plateforme de vidéo-à-la-demande – un transbahutage vers le petit écran que Chapek qualifie de « beau geste pour les spectateurs, compte tenu des fêtes de fin d’année », une curieuse façon d’amoindrir la déception des énormes fans du studio qui espéraient pouvoir découvrir le film au cinéma, et qui interroge d’autant plus qu’il s’agit également du premier film de Pixar avec un personnage noir dans le rôle principal, traité comme un simple produit d’appel pour les vacances. N’est pas Bob Iger qui veut pour les effets de communication, mais, pour la défense du bonhomme, la situation met les nerfs de l’industrie à rude épreuve pour tout le monde et à tous les étages. Reste encore à attendre le 10 décembre pour de plus sérieuses prises de position, et dégainer le champagne (bon marché) pour cet embryon d’embellie pour le groupe Disney après une longue période creuse.

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