Aujourd’hui j’ai décidé de revenir sur The Father, le premier film du français Florian Zeller, doublement oscarisé en 2021. The Father nous raconte l’histoire bouleversante d’un homme retraité, Anthony (Hopkins), qui vit seul dans son appartement à Londres. Alors qu’il vieillit et devient de moins en moins autonome, il refuse l’aide de sa fille Anne (Olivia Colman), qui doit faire le bon choix entre sa propre vie et celle de son père. Voyant la situation se dégrader, Anthony commence à douter de ses proches, de son propre esprit et même de ce qui est réel. The Father est l’adaptation de la pièce de théâtre créée en 2012 par Florian Zeller, intitulée le Père, qui rencontre à l’époque un certain succès puisqu’elle reçoit plusieurs prix, dont celui de la meilleure pièce en 2014. Elle sera également considérée comme l’une des meilleures pièces de la décennie au travers de grands journaux tels que The Times ou The Guardian. La pièce étant saluée par la critique, le film partait déjà sur de bonnes bases. Ainsi, on assiste à une œuvre cinématographique poignante dont les thématiques sont touchantes et susceptibles de refléter le quotidien de bon nombre de spectateurs.
Le film aborde la vieillesse, la « régression » due à l’âge, et l’Alzheimer, maladie handicapante autant pour ceux qui la vivent que pour leur entourage. Et c’est superbement joué, réalisé et mis en scène ! Si le film est vendu comme un drame, celui-ci s’approprie pourtant les traits d’un thriller le temps d’une scène, ou à travers le jeu d’acteur spectaculaire du grand Anthony Hopkins. De ce fait, certains plans sont fixés sur son regard, à la fois capable de vous glacer le sang (le Silence des Agneaux) et de vous faire pleurer, alors qu’il joue le rôle d’un homme évaporé dans les draperies mouvantes de son appartement, guetté par la démence.
© The Father
Ainsi, l’aspect horrifique du film symbolise intelligemment l’horreur dans laquelle vivent les personnes atteintes d’Alzheimer : le film nous aide à prendre conscience de la perspective du malade, ce qui aboutit à nous faire penser que nous sommes nous-même en train de tomber dans la folie, durant une bonne partie du film. Le film joue donc avec le spectateur jusqu’à pouvoir le tromper, ce qui rend l’expérience plutôt étonnante. On y retrouve un bel exemple au travers de l’intrusion de nouveaux personnages tout au long du film, qui changent parfois même de nom ou de profession, au même titre que ces plans fixes sur plusieurs pièces de l’appartement dans lequel vit Anthony, qui reviennent trois ou quatre fois avec quelques détails changeants d’une séquence à une autre. Les décors sont donc d’une importance capitale, enveloppés par une sublime colorimétrie aux tendances bleuâtres assez tristes, illustrant ce naufrage qu’est la vieillesse. De fait, malgré sa discrétion, la mise en scène est une grande qualité du film, de par son efficacité. Elle a cette faculté à mettre le spectateur dans une confusion totale, entre l’angoisse et la perte de repères, sentiments qui correspondent à la maladie d’Alzheimer. Aussi, l’œuvre est fastueusement accompagnée par la musique de Ludovico Einaudi, qui amplifie le côté dramatique voire même tragique du film : elle prend alors tout son sens sans devenir redondante. La scène d’introduction par exemple, où l’on voit Olivia Colman marcher dans la rue, en route pour rendre visite à son père qui ne lui rend pas la vie facile, annonce cet effondrement qui caractérise les événements du film tout en restant implicite.
Olivia Colman et Anthony Hopkins sur le tournage du film The Father à Los Angeles, le 15 septembre 2020
Mais la force du film réside selon moi dans les performances d’acteurs, et plus précisément dans le duo Anthony Hopkins/Olivia Colman, qui fonctionne à merveille. Ce duo s’inscrit d’ailleurs dans l’un des plus émouvants que j’ai pu voir au cinéma ces dernières années. Grâce à The Father, j’ai pu redécouvrir le remarquable jeu d’actrice de Olivia Colman, après sa performance impeccable dans The Crown. Il est clair qu’elle mérite de jouer dans de grands films, avec des grands acteurs, ici aux côtés d’Anthony Hopkins face auquel elle ne se laisse pas intimider. Malgré le jeu d’acteur brillant de ce dernier, elle parvient à s’imposer et à nous transmettre beaucoup d’émotions sans forcément prononcer de mots, mais à travers un regard profond qui en dit long. Elle est tout à fait crédible dans son rôle de fille d’un pauvre homme emporté par une mémoire défaillante. Quant à Anthony Hopkins (on ne le présente plus), il nous offre une prestation tout à fait admirable et probablement une des meilleures de sa carrière selon moi, à l’âge de 80 ans. D’un point de vue personnel, les mots ne sont pas suffisants pour décrire à quel point Hopkins m’a touché dans ce film, cela faisait quelque temps qu’un acteur n’était pas parvenu à me faire ressentir de telles choses. La scène de fin par exemple laissera une trace indélébile chez moi tant elle m’a ému.
Ainsi, ce théâtre filmé n’est peut-être pas le chef-d’œuvre à voir dans sa vie, mais c’est un beau film dont le scénario est brillamment construit, soutenu par des performances d’acteurs bouleversantes et qualitatives. Malgré quelques longueurs, le film reste une expérience car il parvient à troubler le spectateur jusqu’à lui faire ressentir un semblant de la maladie d’Alzheimer.
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