Près de deux ans après le rachat effectif de Time Warner, AT&T prévoit une (nouvelle) restructuration en interne, qui devrait engendrer plusieurs milliers de licenciements dans les différents départements du pôle divertissement de l’entreprise. Le Wall Street Journal rapporte que le groupe chercherait à réduire ses dépenses de 20%, en ciblant en priorité la masse salariale des secteurs en difficulté. En cas de pandémie de COVID-19 et de crise générale du cinéma aux Etats-Unis, les sous-sociétés Warner Bros., HBO, TNT et TBS seraient dans le viseur pour ce plan de départ massif, énième signal de l’effondrement de l’emploi dans les industries culturelles traditionnelles. En parallèle, AT&T prévoirait de favoriser les secteurs porteurs ou moins directement concernés par la situation sanitaire – le cas de la vidéo-à-la-demande devenant une rente logique à privilégier, avec la plateforme HBO Max, rendue à 36 millions d’abonnés depuis son lancement aux Etats-Unis en mai 2020.
Pas de précisions dans les départs à prévoir
Au mois d’août, WarnerMedia avait déjà mis à la porte 500 employés, avec DC Comics et DC Universe particulièrement touchés par cette vague de licenciements, tandis qu’AT&T annonçait publiait des pertes de 9% sur l’exercice fiscal du dernier trimestre (pour quarante milliards de dollars de chiffres d’affaires). Vues de loin, ces fameuses « restructurations » passent surtout pour une transition accélérée vers l’économie du numérique pour ces secteurs du divertissement opérant encore sur des routines traditionnelles : exploitation en salles, diffusion hebdomadaire en télévision, investissement dans la production scriptée pour des pilotes de nouveaux projets.
En avril, Bob Iger, ex président des entreprises Disney, expliquait que l’état de la chaîne de travail allait considérablement évoluer après la pandémie de Coronavirus, avec une « rationalisation » générale vers les domaines rentables, quitte à ne plus se préoccuper du très long-terme. Un sauve-qui-peut général qui risque de conduire des groupes multiples, comme Disney ou AT&T, à fermer les écoutilles : pour le département des parcs d’attraction, l’entreprise du vieil Oncle Picsou se débarrassait récemment de 28000 salariés, après les énormes pertes encourues dans ce secteur d’activité. Le tourisme, les voyages, les emplois de manufactures auront tous été durement frappés par la situation sanitaire actuelle, tandis que l’économie du numérique, les pourvoyeurs de travail en Cloud, de streaming et autres emplois imperméables aux mesures de confinement. En parallèle d’une crise grave pour ces différents corps de métier (12 millions de chômeurs aux Etats-Unis en septembre dernier), une étude du cabinet de conseil PwC révélait récemment que la fortune des ultra-riches avait bondi de 27,5% pendant le confinement, entre avril et juin 2020. Ce qui représenterait de 10 200 milliards de dollars pour les 2000 milliardaires à la tête de l’économie mondiale.
En résumé, une situation qui aggrave grandement le problème des inégalités dans les principales puissances d’Occident, et qui devrait durer pour les années à venir selon le président d’AT&T, John Stankey. Après avoir déboursé la somme de 85 milliards pour l’acquisition de Time Warner, le patron du groupe a défendu ce choix en pariant sur un retour à la normale d’ici à un horizon relativement imprécis – reste à voir dans quel état l’entreprise laissera Warner Bros. et HBO, entités cruciales dans l’équilibre des forces du cinéma et de la télévision.